Au cœur de
l’apprentissage
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Le quotidien

Contrairement à une formation en école, l’apprentissage dual est soumis aux contraintes de l’activité économique de l’entreprise formatrice. La formation se fait au quotidien pendant et en parallèle du travail. Parfois, l’activité de l’entreprise est prioritaire et prend le pas sur la formation. L’enjeu le plus marquant est alors celui du temps, souvent insuffisant pour mener production et formation de front.

Apprenti et formateur . © Hotellerie Suisse
Apprenti et formateur . © Hotellerie Suisse

« Apprendre en entreprise »

L’apprentissage a ceci de particulier que la transmission des savoirs se fait dans différents lieux, école professionnelle, entreprise formatrice et plus ponctuellement cours interentreprises. Les apprenti·e·s doivent ainsi mettre ensemble ce qu’elles et ils apprennent dans ces trois contextes. A l’école professionnelle et aux cours interentreprises, la formation se fait en classe ou en atelier. Dans l’entreprise formatrice, où la pratique professionnelle est centrale, elle prend le plus souvent directement place dans l’activité de l’entreprise, par la participation, voire l’immersion, de l’apprenti·e dans le travail.

Les formateurs et formatrices en entreprise, et en particulier celles et ceux qui accompagnent les apprenti·e·s au quotidien, jouent un rôle central dans cette transmission. Cependant, d’autres personnes sont impliquées, l’accompagnement des apprenti·e·s étant souvent réparti au sein de l’équipe de travail. Dans certaines entreprises, la formation se fait progressivement, avec un encadrement rapproché au départ et de moins en moins d’accompagnement au fur et à mesure. Dans d’autres, l’apprenti·e est plus rapidement « jeté·e » à l’eau.

Au niveau de ce qui est transmis, il s’agit non seulement de savoir-faire mais aussi de savoirs (connaissances générales) et de savoir-être. Les personnes formatrices insistent souvent sur les sphères variées auxquelles ces différents types de savoirs se rattachent : le métier en cours d’apprentissage, le monde du travail et de l’entreprise, et de façon plus générale la vie en société, en particulier ce qui a trait au passage d’enfant à adulte. Un accent particulier est mis sur les compétences transversales, comme au moment de l’embauche. Celles-ci se déclinent en savoir-être (respect, politesse), savoirs relationnels (relatifs au travail en équipe et à la gestion des interactions avec la clientèle ou patientèle) et attitudes face au travail (respect du travail, ponctualité, rigueur et autonomie).

« Deux objectifs: produire et former »

L’un des principaux défis de l’apprentissage dual est que la formation se déroule dans une entreprise en activité. L’avantage est que la formation se fait au plus près des exigences du métier, mais la difficulté est de devoir s’adapter aux besoins de l’entreprise : la productivité et la rentabilité.

Au quotidien, bien qu’engagé·e·s dans la formation, les apprenti·e·s comme les personnes formatrices doivent avant tout participer à l’activité de l’entreprise : produire des pièces ou des objets, s’occuper de personnes (enfants dans une garderie, patient·e·s dans une structure de santé, etc.), participer aux activités d’un bureau ou encore servir une clientèle. Cela est toujours prioritaire.

Ce double objectif (produire et former) crée une tension, qui est particulièrement forte dans les petites et moyennes entreprises, celles qui forment le plus en Suisse. Les grandes entreprises sont aussi soumises à cette pression, même si elles disposent plus souvent de personnes dont l’activité principale est de former. Enfin, dans les centres de formation rattachés à certaines grandes entreprises, cette tension se retrouve également puisque ces structures sont aussi engagées dans la production. C’est une caractéristique de l’apprentissage dual.

La tension entre produire et former a aussi un impact sur les individus, apprenti·e·s, comme personnes formatrices. Les apprenti·e·s, là avant tout pour apprendre, doivent tout de même participer à la production, elles et ils sont à moitié des apprenant·e·s et à moitié des personnes qui travaillent. Quant aux personnes formatrices, dans l’entreprise en tant que professionnel·le·s de métier, elles doivent tout de même prendre le temps de former. Cette double casquette est souvent difficile à porter pour les apprenti·e·s comme pour les personnes qui les forment, mais elle peut aussi être une source de satisfaction : pour les jeunes, être déjà presqu’un·e professionnel·le et pour les personnes formatrices, pouvoir transmettre leur passion en étant par moment un·e quasi enseignant·e.

« Une histoire de temps »

Le quotidien des formateurs et formatrices tout comme celui des apprenti·e·s est marqué par la tension produire/former, ce qui a un impact sur le temps à disposition pour former ou se former.

Les personnes formatrices, engagées à la fois dans la formation et la production, et occupant parfois aussi des postes à responsabilités dans l’entreprise (patron·e, gérant·e, chef·fe d’équipe), disent souvent manquer de temps pour former. De plus, elles doivent constamment passer d’une tâche à l’autre, de l’encadrement d’un·e apprenti·e aux besoins liés à d’autres aspects de leur travail. Leur activité apparaît par conséquent particulièrement fractionnée. En effet, différents types de demandes coexistent parfois dans un temps très court (être dans une tâche de formation tout en se montrant prêt à répondre à la clientèle, par exemple). Les personnes formatrices actives dans des centres de formation rattachés à une entreprise se plaignent, elles aussi, du manque de temps. En effet, ces centres fonctionnent parfois davantage comme des succursales de l’entreprise, soumises aux contraintes de production et de rendement, que comme des lieux dédiés en priorité à la formation.

Jugé insuffisant par les formateurs et formatrices, morcelé, le temps à disposition pour former est, de plus, rarement formalisé par les entreprises. Sans décharge de temps, les personnes formatrices doivent ainsi souvent trouver par elles-mêmes les moyens de remplir leur mission. Intégrer l’apprenti·e à leur propre tâche productive, lui donner des activités à réaliser seul·e, déléguer l’encadrement à un·e ou des collègues sont quelques-unes de leurs stratégies. Certain·e·s formateurs et formatrices vont jusqu’à prendre sur leur temps libre pour répondre aux questions de l’apprenti·e, lui montrer certains gestes ou lui expliquer divers aspects du métier.

De leur côté, les apprenti·e·s doivent rapidement s’adapter au rythme et aux activités des personnes formatrices ainsi qu’à un encadrement réparti entre différentes personnes. Elles et ils sont dès lors amené·e·s à être rapidement autonomes.

Les difficultés